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19/02/2010

Les mots pour le dire

L'histoire est un grand classique chez les DRH, et l'occasion de détendre une atmosphère souvent pesante. Il s'agit d'un lapsus d'un DRH de grand groupe qui préside un comité d'entreprise tendu dans une ambiance de plan social à venir. Dès le début de la réunion et face à une assistance hostile, le DRH envoie les diapos du powerpoint et  lâche : "Je vais vous présenter le tableau de mort des effectifs...". Inutile de préciser qu'il n'y a plus rien à rattraper et que la négation n'est pas utile. Tout au plus peut on créditer le DRH d'avoir un noble inconscient qui ne peut cacher la vérité qui pourtant aurait du l'être. Vertu de la nature.

J'avais déjà présenté, dans la chronique du 25 novembre 2009, un florilège de lapsus, que je complète ici par ceux de la semaine. Réunion sur un projet au calendrier un peu serré. Le responsable du projet prévient : "Il ne faudra pas perdre de vue l'objectif en  cours de rut...". Voilà une route qui demandera concentration et persévérance.

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Jean-Marcel Bouguereau - Nymphes et satyre - 1873

Autre réunion, de ces réunions pendant lesquelles vous vous prenez à penser qu'il doit y en avoir des milliers de la sorte qui se tiennent un peu partout en même temps ce qui ne fait que rajouter à la longueur du temps, et conclusion finale : "Je vous laisse le joint de finaliser....". Il faudra en effet prendre soin de la suite pour que le projet ne parte pas en fumée. Bon week-end à toutes et à tous.
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09/02/2010

Primum vivere

Blaise Cendrars avait fait de la formule d'inspiration aristotélicienne : Primum vivere, deinde philosophari, un précepte de vie. Certes parce que la philosophie n'a de sens que si on la vit, mais également parce que la pensée ne doit pas précéder l'action mais prendre appui sur elle. Penser le réel plutôt que produire un idéal déréalisé.

Lorsqu'une entreprise engage un travail sur les valeurs, qu'elle décline ensuite en slogans, affiches, chartes, bref tout le bazar de la communication, elle peut avoir simplement formalisé ce qu'elle vit, ou bien elle peut créer une image qui n'a que peu à voir avec la réalité. L'expression du réel ou l'idéal déréalisé, vice ou vertu.

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Claude Verlinde - Le vice et la vertu

Sur les valeurs, le détour par le rugby, c'est la semaine, s'impose de nouveau. Quelques anciens capitaines du XV de France nous livrent leur vision des valeurs :
- "Avant le match, les supporters te tapaient dans le dos. L'épaule et l'âme étaient marquées" Walter Spanghero
- "Pour moi Colombes ne signifie rien, mais je sais que pour une autre génération ce stade symoblise l'histoire du jeu. J'ai contribué à bâtir une histoire nouvelle au Stade de France. J'aime l'idée d'une mémoire vive qui passe d'un stade à l'autre" Fabien Pelous
- "Les anglais nous ne les battons jamais, même si parfois ils ne gagnent pas. Contre eux, tu peux l'emporter au score mais ils ont une façon d'être qui est supérieure à la défaite" Jean-Pierre Rives
Et le meilleur pour finir, dans la bouche du mythique Lucien Mias : "Nos victoires furent celles des idées, d'une pensée en mouvement. J'avais envoyé paître la Fédération dont notre équipe avait renfloué les caisses et j'ai pratiqué un management d'homme libre destiné à des hommes libres".
Pour votre prochain atelier sur les valeurs, je vous propose de ne pas rechercher un nouveau slogan mais de vous demander ce que peut être un management d'homme libre destiné à des hommes libres.
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Claude Verlinde - La liberté

29/01/2010

Le syndrome de l'ingénieur

Le modèle français est celui de la rationalité triomphante. Le modèle de l'ingénieur qui construit les avions les plus performants (le Rafale, le 680, le Concorde), les trains les plus rapides (TGV), les centrales nucléaires les plus productives, etc. Que ces brillantes créations de la rationalité technologique ne soient pas que des réussites commerciales voire ne séduisent guère les destinataires potentiels n'est pas un motif suffisant pour remettre en cause le modèle. Preuve en est, à un autre niveau certes, le projet d'accord proposé par l'UIMM sur la GPEC dans le secteur de la métallurgie. La GPEC y est définie comme la prévision des besoins futurs de l'économie (pas des organisations ou des personnes les besoins, de l'économie on l'aura noté) et la mise en adéquation des compétences actuelles des salariés. Le modèle est persistant : on prévoit l'avenir puis on s'y adapte. L'ingénieur est donc à la fois un génie technologique et un prophète, autrement dit un Dieu tout puissant qui maîtrise les lois de la nature.

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Rafal Olbinski - Le prophète
Démiurge certes, mais rationnel. Cette conception binaire et mécaniste de la GPEC, dans laquelle les individus sont des sommes de compétences techniques constituant un stock qu'il importe de maintenir à jour et adapté à la prévision future, ne fonctionne pourtant pas. Ni en terme de mobilisation des personnes, on le comprend aisément puisque l'individu n'est renvoyé qu'à ce qui lui manque pour l'avenir, ce qui permet au passage de ne pas valoriser l'existant, ni en terme de prévision tout simplement comme l'actualité s'acharne à nous le démontrer. Et c'est ainsi que la GPEC est l'art de stocker le passé en s'acharnant à tracer les compétences des individus et à travailler sur un avenir qui, comme la ligne d'horizon, demeure un mirage inatteignable. A croire que le syndrome de l'ingénieur est d'oublier qu'il existe un présent, un ici et maintenant à célébrer quotidiennement, tel un anniversaire. Mais tout ceci est-il bien rationnel et raisonnable ?

18/01/2010

Charisme

Le goût de l'époque n'était certes pas celui d'aujourd'hui. Pourtant, maints commentateurs ont pu souligner l'épaisseur du corps et de la cuisse, la disharmonie entre le haut et le bas du corps ou le visage aux traits éloignés de la beauté classique grecque qu'elle incarnait pourtant. Isadora Duncan n'était pas à proprement parler une jolie femme du début du siècle, mais elle fut pour nombre d'artistes l'image même de la beauté. Comment incarner ce que l'on est pas, et comment disposer d'une capacité de fascination portée à un point aussi haut ? pour ce qui concerne Isadora Duncan, la réponse peut être trouvée dans sa liberté, qui attire toujours autant qu'elle effraie, dans la nouveauté de sa danse, dans le panthéisme qui la chargeait de toutes les beautés de la nature au sein de laquelle elle dansait, dans  le mouvement peut être et tout simplement, dont on sait qu'il est la vie même.

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Isadora Duncan dansant

L'exposition consacrée à Isadora Duncan dans le très beau  Musée Bourdelle à Paris, outre qu'il permet de (re)découvrir la vie et l'étonnant parcours de la danseuse aux pieds nus, rend compte de l'état de trouble dans lequel furent plongés les artistes qui eurent le bonheur d'assister aux évolutions d'Isadora. Leurs chroquis, dessins, peintures sont enflammés,  fébriles, passionnés et produits en séries comme si la profusion augmentait les chances de saisir l'insaisissable.
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Antoine Bourdelle - Isadora Duncan

J'ai toujours trouvé sinon ridicule du moins peu professionnels les profils de poste dans lequel il est porté la mention "Charisme" dans les compétences requises. Qu'est-ce que le charisme et de quoi est-il fait ? capacité à entraîner les autres ? aura singulière ? énergie individuelle rejaillissant sur le collectif ? crédibilité intrinsèque ? autorité professionnelle ou morale ? légitimité ? Le Littré ne connaît pas le mot charisme et les définitions opérationnelles font défaut. Pour régler définitivement la question, on peut conseiller aux utilisateurs du concept de charisme d'aller en constater  l'existence dans l'exposition consacrée à Isadora Duncan et de renoncer à son usage dans la foulée (aux pieds nus bien évidemment).

18/12/2009

Burqa visible, burqa invisible

Dans cette entreprise, le manque d'enthousiasme pour la formation est patent. Le responsable formation explique : "Nous avons beaucoup de femmes, ce sont les déplacements qui posent problème". Vérifions. Certaines salariées mettent effectivement en avant les enfants. Délicat d'aller plus loin mais allons y tout de même : "Vous n'avez personne à qui les confier ?". Difficile pour les personnes seules et isolées, coûteux pour la garde et impossible d'exiger du conjoint qu'il se libère plus tôt de son travail. Et pour certaines, de toute façon le père est incompétent en ce domaine. Très bien, mais toutes les salariées n'ont pas d'enfant, ce qui permet de poser la question : "Et pour vous, ce sont les enfants qui posent problème ?", la réponse a déjà été entendue et si elle est peu fréquente elle n'est pas rare : "Non, c'est mon mari qui ne veut pas que je me déplace". Le ton laisse peu d'hésitation sur la sincérité du propos et à ce stade, le pourquoi ne s'impose plus.

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Shirin Neshat - I am its secret - 1993

Nos gouvernants n'aiment rien tant que faire des lois à tout propos et sur tous sujets, sans toujours se soucier de l'application, ni même parfois de l'applicabilité, des textes votés. Ce faisant, ils en viennent souvent à traiter le symptome et non la cause. Plutôt que d'interdire les burqas visibles il faudrait  se préoccuper des burqas invisibles. Plutôt que de s'acharner sur la brindille qui cache la forêt, il faudrait oser entrer dans la réalité des relations entre hommes et femmes en ce début de XXIème siècle en France. Si l'on pense que tout ceci est dépassé, on peut aller voir au théâtre du Lucernaire "La ballade de Simone". On y découvrira à la fois la force et la beauté de la passion et pourquoi il reste encore nombre de burqas symboliques, invisibles mais bien réelles.

11/12/2009

Qu'est-ce que vous faites ?

L'histoire est récurrente chez les consultants pour imager le sens donné au travail. C'est celle d'un passant qui avise un ouvrier posant une pierre sur une autre à qui il demande ce qu'il fait : "Je pose une pierre sur une autre comme on me l'a demandé". Le passant persiste et pose la question à un second ouvrier qui a la même activité : "Je construis un mur qui sera très haut". La tenacité du passant le porte vers un troisième ouvrier qui empile des pierres et répond : "Je construis une cathédrale". Faute de questionner véritablement, impossible d'identifier le sens que chacun met dans son activité professionnelle.

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Peter Neefs - Intérieur d'une église gothique
Les britanniques ont une certification qui s'intitule Investor In People, attribuée aux entreprises qui ont une véritable politique RH. L'audit de certification débute par un questionnement des salariés à qui il est demandé d'indiquer la stratégie de l'entreprise (première question) et comment leur activité contribue à cette stratégie (deuxième question). L'efficacité du questionnement est redoutable. Il pourrait être complété, car cette question n'est pas posée hélas, d'une question aux dirigeants : "Quelles sont les activités des salariés de l'entreprise ?". Si vous êtes en forme, mais surtout pas si l'arrivée des premiers froids et des fêtes de fin d'année a déjà entamé votre moral, osez deux questions. La première à vous même : "Qu'est-ce que je fais ?" et la seconde, qui est la même, à votre entourage. Bon week-end au chaud.

04/12/2009

Le sens des contraires

Alfred Hitchcock déclarait à propos de "La mort aux trousses" (en substance) : j'ai voulu inverser le cliché du film noir qui est de créer l'angoisse par une atmosphère sombre, humide, avec des voitures mystérieuses. L'archétype du genre pourrait ressembler à ceci :

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Le génie d'Hitchcock est de comprendre qu'en retournant la scène, elle n'en produira que plus d'effet. Pas de pluie, le soleil, pas de voiture, un avion, pas de ville nocturne, un champ en plein jour. C'est la fameuse scène de l'avion pourchassant Cary Grant.
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Toute image, toute situation appelle son envers qui peut utilement l'éclairer. Le mystère du Gilles de Watteau ne prend-il pas un autre relief si l'on considère qu'il est l'exact envers de la crucifixion qu'il représente ?
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Watteau - Gilles                          Van Dyck - Crucifixion

Pour comprendre une organisation, une situation, une personne, il est possible de jouer à Hitchcock et de se demander comment elle pourrait être représentée au moyen de ses contraires. La vérité d'un homme est dans ce qu'il cache, disait Malraux, disons qu'elle est plutôt dans ce qu'il montre et que l'on voit mieux avec son envers.

01/12/2009

Un DIF de 300 heures, ça n'existe pas...

Tout le monde, ou presque, connaît la comptine de Robert Desnos intitulée "La Fourmi" :

Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi parlant français,
Parlant latin et javanais,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Eh! pourquoi pas?

Dès lors, pourquoi un DIF de 300 heures n'existerait-il pas ? bien moins extraordinaire que la fourmi de Desnos ou que la photo de la dernière vision de la fourmi avant d'être écrasée.

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Dernière vision de la fourmi #7632B
Copyright - Palestrique (Reading is dangerous)

Le DIF de 300 heures existe dans l'accord sur la formation conclu à la SNCF. Il permet à des salariés ayant quinze ans d'ancienneté de poursuivre un projet de formation en lien avec l'évolution des métiers de l'entreprise. Il y a aussi le DIF de 244 h pour devenir agent de maîtrise ou le DIF de 288 h pour devenir cadre. Dans l'accord conclu à la Société Générale, le DIF est abondé "en tant que de besoin" pour les formations bancaires diplômantes suivies en dehors du temps de travail. Lorsque l'on a franchi les bornes, il n'y a plus de limites ? non, il y a juste la différence entre ceux qui appliquent des dispositifs sans rien s'autoriser, et les autres. Pour les premiers, le mode de fonctionnement est l'exécution, le droit est pour eux un applicatif pur. Erreur que ne commettent pas ceux qui s'approprient les dispositifs, explorent les espaces ouverts par le droit et pratiquent l'anticipation (c'est à dire le crédit négatif : ce n'est pas une nouveauté, il est pratiqué en matière de congés payés ou de jours de RTT assez régulièrement, quand ce n'est pas tout simplement en matière bancaire !) voire l'abondement (comme en matière d'intéressement, de participation ou de compte épargne). On peut citer l'accord des MMA qui abonde le crédit DIF lorsqu'il est utilisé pendant un congé parental. Bref, juste l'occasion de rappeler que faire du droit ce n'est pas appliquer une règle, mais identifier comment les règles permettent d'ouvrir des espaces pour l'action. Juste une question de philosophie, donc au bout du compte de droit.
Et puisqu'il était question de Robert Desnos en début de chronique, rappellons en ces temps de quête d'identité et de chasse au minaret que Desnos mourut à Theresienstadt, victime de la haine et de la peur de l'autre.
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Stèle de Robert Desnos et Cellule du camp de Theresienstadt (Terezin)
Photos : jp willems

20/11/2009

Conflit non pathologique

La négociation est la mise en scène d'un rapport de force. Elle connaît parfois des moments conflictuels, voire violents. Elle est pourtant très saine. Elle suppose en effet que les deux parties acceptent le cadre fixé pour la négociation : elles sont déjà d'accord sur ce point et pour jouer le jeu. Elle suppose la reconnaissance de la liberté d'autrui comme interlocuteur ayant qualité pour négocier : on ne négocie pas en dictature ou pendant les révolutions. Elle suppose une volonté, mais pas une obligation, d'aboutir. Bref, entrer en négociation c'est reconnaître que le conflit d'intérêt est naturel et qu'il s'agit d'organiser sa résolution dans un cadre pacifié, soit une vision non pathologique du conflit. Comme la lutte avec l'ange, qui n'est pas vraiment un combat, ce qu'a compris Delacroix qui l'a traduit dans l'attitude de l'ange.

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Delacroix - Lutte de Jacob avec l'ange - Eglise Saint-Sulpice
La vision pathologique du conflit est celle qui considère le conflit comme anormal, inadmissible et fait du contradicteur un ennemi. La postulation contradictoire est vécue comme une négation de soi, le conflit est posé en terme de vérité/erreur - tort/raison et sa non résolution suscite un grand sentiment d'injustice. Bref, cette vision conduit à une hystérisation du conflit, génératrice de souffrance laquelle va venir alimenter la vision pathologique. Un cercle peu vertueux on en conviendra.
Sortir du pathologique, c'est accepter que l'autre soit reconnu comme légitime à défendre d'autres intérêts que les notres et reconnaître sa liberté d'agir ainsi. Mais il est parfois difficile d'accepter la liberté d'autrui qui renvoie souvent à ses propres entraves. A cette condition, le conflit peut être générateur de dialectiques, de dynamiques qui permettront de le dépasser. Ainsi vue, la négociation pourrait bien être le symptome du passage d'une société à l'âge adulte.

12/11/2009

Le choix de l'optimisme

Selon l'INSERM, la France est le premier pays consommateur d'anxiolitiques et de produits hypnotiques, en d'autres termes de tranquilisants. Plus de 25 % des adultes utilisent de tels produits de manière ponctuelle ou régulière sur une année, lesquels produits connaissent une distribution deux à trois fois supérieure à celle constatée dans les autres pays industrialisés. La France pays dépressif ? la récurrence du thème de la souffrance et du mal être au travail et le fait que la question de l'identité nationale puisse être simplement posée conduit à l'évidence à répondre positivement. Le positif justement, voici ce qui semble manquer et nous distinguer. Petite illustration au travers de rencontres de hasard lors d'une promenade dans New York.

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Affiche dans le métro new yorkais réalisée par une école d'étudiants en art

Tout d'abord cette affiche réalisée par des étudiants : lorsque nous affirmons la grandeur de notre nation, il faut entendre que cette grandeur n'est jamais donnée mais qu'elle doit être gagnée. Humilité et persévérance accompagnent ambition et fierté.
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Publicité pour les jeans Levi's dans Manhattan
La campagne de Levi's l'affirme "ce pays n'a pas été construit par des hommes en costume" et il est facile de vérifier combien l'apparence compte bien moins outre-atlantique. Jugé plutôt sur vos actes que sur le paraître qui n'est pas un acte.
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Affiche à Manhattan
La popularité d'Obama est peut être en baisse du fait de la récession, de la poursuite de la guerre en Afghanistan et de sa courageuse et généreuse réforme du système de santé, mais le "Yes we can" résonne profondément et longuement dans le pays.
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Tichet de métro New yorkais

Dernière rencontre de la journée, ce ticket de métro barré d'un souriant "Optimism" qui tient moins du stupide "Quand on veut on peut" que de la volonté affirmative qui ne préjuge en rien du résultat mais le rend finalement secondaire.
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Empire State Building

Tiens, ce soir l'Empire State Building est bleu blanc rouge, couleurs de l'amérique, couleurs de la France ?

02/11/2009

Compétence contre centralisation

D'anciens responsables du MEDEF à qui nous devons le travail sur la démarche compétence au cours des années 90, ont repris le flambeau au sein de la Fondation Condorcet qui tenait une de ses premières réunions mercredi 28 octobre. L'objectif de la Fondation est, notamment, de diffuser la démarche de gestion par les compétences auprès des entreprises. Tous les intervenants se sont entendus sur au moins un point : une gestion par les compétences suppose une décentralisation des décisions, de l'autonomie donnée à chacun et la possibilité pour tous de participer au processus de création de valeur en y intégrant, par son professionnalisme reconnu (penser à ne pas oublier cette exigence) de l'innovation, de l'amélioration, de la qualité en un mot du travail de professionnel. Comme tout principe d'organisation, il est possible d'identifier les limites d'un tel modèle lorsqu'il cesse de mettre les individus en situation d'agir de manière autonome et responsable et qu'il renvoie sur les épaules de chaque personne tous les problèmes que l'organisation n'a pas su ou voulu régler. La gestion par les compétences est une confiance faite aux hommes et aux femmes qui ne doit pas être dévoyée en une mise sous tension sans mesure ni limite.

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Le Maréchal - Le monstre d'Etat - 1958-1960

On ne pouvait s'empêcher de penser, en écoutant ces discours, que tout le mouvement de centralisation que l'Etat organise consciencieusement et méthodiquement, dans une espèce d'ordre pyramidal impérial à fonctionnement exclusivement descendant, était la négation même d'un modèle fonctionnant sur la confiance et la compétence. La loi sur l'orientation et la formation nous en fournit plusieurs exemples (contrôle par l'Etat du Fonds paritaire, contrôle des organismes de formation, contrôle des OPCA,...) alors que la formation est le domaine par excellence dans lequel il s'agit surtout d'encourager et de favoriser les initiatives. Il ne s'agit pas de contrôler ni de considérer que l'Etat est le seul garant possible de toute action efficace mais au contraire de déterminer les conditions à réunir pour que chacun puisse être pleinement acteur et responsable.  Le Maréchal, superbe peintre et graveur, pourrait toujours tenir ces propos inscrits sur l'oeuvre présentée ci-dessus : "Le Monstre d'Etat, roi du tout pareil, tient le fantôme public sous le glaive de sa propre loi".

30/10/2009

Arbitraire contre sectaire

Nos députés ont peur des sectes. Pas tous bien sur, si l'on en juge par des amendements qui interviennent opportunément pour éviter des poursuites contre la scientologie, mais la réprobation demeure largement prédominante. Couplée à une suspicion bien moins légitime à l'encontre des organismes de formation, elle conduit parfois à des amalgames peu heureux. Dans la loi qui vient d'être votée relative à l'orientation et la formation professionnelle, on trouve ainsi des dispositions qui confèrent à l'administration un pouvoir que l'on se permettra de juger exorbitant, en ce qu'il confère un pouvoir arbitraire dans l'autorisation d'exercice de l'activité de formation. En effet, l'administration peut désormais se prononcer lors de la déclaration d'activité d'un organisme mais également à tout moment sur la nature des prestations rendues et prendre une décision administrative de retrait du numéro d'enregistrement en tant qu'organisme de formation qui devient une véritable interdiction d'exercer. Cette sanction, que le juge lui même se hésite à prononcer tant il l'estime radicale dans ses effets, peut aujourd'hui être prise par l'administration sans aucune des garanties qu'offre la procédure judiciaire. Belle leçon de droit : pour lutter contre le risque sectaire on étend le pouvoir arbitraire.

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Cynthia Girard - La secte des souris volantes - 2006

Pourquoi ce risque d'arbitraire ? parce que l'administration a toujours eu une interprétation restrictive de la notion d'action de formation et n'a eu de cesse que d'ajouter des critères supplémentaires et illégitimes aux critères légaux (voir le document joint pour les critères légaux et les questions à se poser pour savoir si une formation est bien une formation professionnelle). Et surtout parce que nombreux sont les contentieux dans lesquels le juge, tribunal administratif ou Conseil d'Etat, a donné tort à l'administration sur sa manière d'apprécier si une formation est, ou non, une formation. Le problème est que ces contentieux interviendront bien tard, lorsque le mal sera fait c'est à dire qu'une décision d'interdiction aura produit ses effets.
Dans le contexte de procès de la scientologie, les dispositions relatives aux organismes de formation dans la loi, qui n'est pas encore publiée, sont passées inaperçues. Elles remettent pourtant en cause le libre exercice de l'activité de formation. Que l'activité soit soumise au contrôle du juge c'est évident et souhaitable. Qu'elle soit livrée à l'arbitraire de la conception que se fait un fonctionnaire de la formation est autrement dangereux et regrettable. Dans un état de droit, il ne revient pas à l'administration, mais au juge, de dire le droit.

29/10/2009

S'accrocher aux branches

Ce blog invite souvent à porter un regard un peu neuf, distancié, amusé, enjoué, sur ce qui nous entoure. On peut ainsi découvrir ce que le regard d'habitude ne nous permet plus de déceler. Ainsi, à regarder un arbre qui s'est entêté à pousser au milieu des pierres on peut découvrir qu'il hurle sa fureur au visiteur qui ne sait pas très bien si c'est lui qui est à l'origine de cette colère ou bien la situation improbable du végétal. Il est vrai que cet arbre est corse.

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Arbre Hurleur - Photo jp willems

Nul ne s'amuserait ici à s'accrocher aux branches du grand hurleur, qui se déploient comme des tentacules sévères et menaçantes. Il est pourtant parfois dans la logique des choses, et tel est le cas pour la formation, de chercher à s'accrocher aux branches. La réciproque n'est toutefois pas vraie : les branches ne doivent pas s'accrocher à la formation. Si vous souhaitez des explications à tout ceci, lisez la chronique publiée par l'AEF et réalisée avec Jean-Marie LUTTRINGER. Vous y découvrirez également une histoire de jumeaux bagarreurs plus riants que l'arbre furieux. Bonne lecture.

28/10/2009

Une étrange sensation

Le tableau se trouve dans un coin d'une salle du Musée international d'art naïf de Nice. Au milieu de peintures naïves représentant des scènes du quotidien il attire pourtant l'attention. Tout paraît en ordre, mais une sensation étrange nous indique qu'il n'en est rien. Que regardent le boucher et ses clients ? quel est ce mystérieux personnage qui rentre, sac à dos, dans une maison occupée au premier étage par un personnage en feu et au second par le soleil et les étoiles ? que guette l'enfant au coins de la rue ? son cerceau improbablement arrêté de l'autre côté du mur ? quel signe nous adresse le tournesol à la lucarne de la maison du boucher et pourquoi un visage immobile à la fenêtre du premier étage ? la clé en forme d'enseigne ne nous dit guère quelle est la clé de tout ceci.

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René Imbert - Allégorique allusion à la diversité des demeures - 1945

Le titre ajoute à l'étrangeté mais ne la créé pas. Tout au plus peut-il orienter notre rêverie poétique devant la toile. Combien de fois avez-vous ressenti ce sentiment d'étrangeté ? cette impression que dans une situation apparemment banale "quelque chose ne colle pas". Ce sentiment non raisonné "qu'il se passe quelque chose", comme dans cette nouvelle de Buzzatti, figurant dans le "K" où une femme ne peut dormir, angoissée et scrute la forêt dans laquelle il ne se passe rien...hormis les mille et uns drames de la vie animale nocturne.
Pour agir il faut comprendre, pas d'action sans diagnostic. Pour comprendre il faut observer, évidemment, analyser également, mais il faut aussi ressentir et s'abandonner à ce sentiment d'étrangeté qui nous submerge parfois. Le quotidien comme une énigme fantastique qui s'offre à nous, pour notre plus grand plaisir.

26/10/2009

Jeunesse triomphante

Ce blog n'y échappera donc pas et s'astreindra également à livrer son commentaire sur la vraie-fausse élection de Jean Sarkozy à la tête de l'EPAD. Pourquoi ? parce qu'il est question de compétence et que si le scandale de la situation ne fait pas de doute, quelques raisons avancées sont, elles, plus que douteuses. Deux arguments notamment sonnent faux. Le premier est lié à l'âge. Rappelons que l'âge est considéré par le code du travail comme une discrimination et que trop vieux ou trop jeune ne sont juridiquement pas acceptables. Dans le meilleur des cas, entendons par trop jeune : "Pas assez d'expérience". Et avec cet argument justifions la gérontocratie qui veut que jamais les dirigeants ne passent la main, tant au niveau électoral que chez les dirigeants. Le pouvoir doit avoir quelques agréments pour justifier cette peur chronique de la mort sociale de celui qui l'abandonne. Trop jeune, voilà qui aurait fait rire Picasso peignant les Demoiselles d'Avignon, chef d'oeuvre du siècle à 26 ans. La jeunesse triomphante faite peur, l'archétype en étant la lolita qu'il n'est même plus possible aujourd'hui de montrer sans risquer un mauvais procès. Optons donc pour la version masculine.

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Takashi Murakami - My lonesome cowboy
Fondation Pinault - Venise

Le deuxième mauvais argument est celui du diplôme : notre société croule sous les statuts et situations établies, sous les recrutements endogamiques de diplômés se cooptant et les hiérarchies formelles et figées. En les regroupant, ces deux arguments nous proposent la vieille société de l'ancienneté (âge) et du statut (diplôme). Bref, rien sur la compétence.

Le problème dans cette affaire, n'est pas qu'un jeune non diplômé de 23 ans puisse prétendre à de hautes fonctions, c'est uniquement que le seul jeune à pouvoir postuler de la sorte soit le fils du Président de la République. On aimerait qu'une telle situation ne fit pas scandale et qu'elle soit d'une grande banalité. Ce qui signifierait que les modèles anciens ont vécu. Il est désolant de voir comment les diplômés hurlent leur colère en disant : "et moi, et moi...". Signe que l'on est prêt à accepter l'inaceptable, dès lors qu'il nous est favorable. Paradoxalement, leur comportement justifie celui de Monsieur Fils. Non décidément, le scandale n'est ni dans l'âge ni dans l'absence de diplômes, il est dans le fait du Prince, bien évidemment, mais également dans l'anormalité de la situation. Refuser le népotisme et le clanisme ne nous oblige pas à justifier l'ordre ancien au sein duquel ils font leur lit.

22/10/2009

Point du jour

La Xème Biennale d'art contemporain de Lyon s'intitule "Le spectacle du quotidien". Porter un regard neuf sur le quotidien est  souvent une ambition de l'art. C'est aussi celle de l'innovation.  On peut rechercher l'innovation au quotidien. C'est le toyotisme et la méthode japonaise de l'amélioration continue. Que  surgissent les mille fleurs de l'innovation conjuguée par tous. Mais l'art contemporain emprunte aussi souvent à l'innovation à la française, c'est-à-dire au concept mis en oeuvre, à la recherche confiée au chercheur et expliquée aux autres. Qu'elle s'effectue par le haut ou par le bas, dans les deux cas on traque l'innovation.

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Days of ours lives - Hoy Cheong WONG - 2009

La recherche qui se perd dans les concepts n'a pas plus d'utilité que la stratégie des petits pas qui devient du piétinement. Le propre de l'homme étant d'opérer des mises en relation qui ne s'imposent pas a priori, il importe avant tout de concilier et d'articuler l'humilité du quotidien et l'ambition de la transcendance. Si rien n'est acquis, et qu'un échec efface mille succès, si la parole seule n'est que rarement le début de l'action, vivre la parole qui se déploie quotidiennement en acte est un bonheur et un accomplissement. Ne nous contentons pas d'être spectateurs du quotidien, soyons des acteurs pleinement investis d'un quotidien que nous n'aspirons qu'à dépasser.

19/10/2009

L'air du temps

La biennale de Venise offre un panorama international de l'art contemporain. Le lieu est splendide : les pavillons des jardins de Venise ou les ateliers de l'Arsenal constituent un cadre unique. Tous les continents sont représentés parmi les artistes. Hélas pourrait-on dire car les productions se ressemblent (trop) souvent. La sempiternelle dénonciation de tous les méfaits de notre société (consommation, violence, sexualité ramenée à la pornographie, inquisition, massification,....) conduit à un grand système dépressif dont toute joie est absente. Le pavillon français, représenté par Claude Levêque (sic) est emblématique : un univers caréral composé de cages qui enferment le visiteur et ouvrent sur des espaces sombres dans lesquels un drapeau noir isolé claque au vent. Le titre "Le grand soir" laisse à penser que ce dernier ne viendra guère où qu'il y a beaucoup de chaînes à briser pour que sa simple possibilité puisse s'établir.

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Claude Levêque - Le grand soir (partie) - Photo jp willems

L'atmosphère n'est pas différente, et l'on pourrait porter crédit de ce témoignage aux artistes si l'on ne jugeait un peu court ce seul apport, de celle que l'on peut trouver dans le monde de l'entreprise : licenciements, chômage, restructurations, suicides, souffrance au travail, stress, individualisme, cynisme, etc. Dans cet univers noir pourtant, des couleurs apparaissent. Si l'on veut bien porter son regard sur la foule des visiteurs, et non sur les oeuvres, on s'aperçoit qu'elle est plutôt joyeuse, qu'elle joue avec les oeuvres, qu'elle les réinvente en les photographiant, en posant autour, en s'amusant avec lorsqu'il est possible de toucher. Là où les artistes n'ont guère mis de sourire et de jeu, les visiteurs en apportent. Dès lors, Venise peut prendre d'autres couleurs.
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Nikola Uzunovski - My sunshine - photo jp willems

L'invitation étant faite de porter son regard au-delà, il est possible de découvrir, après être sorti de la biennale, que la ville dispose de couleurs mystérieuses et volatiles qui jouent au creux de l'eau.
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Instants colorés vénitiens - Photo jp willems

Au début du siècle, après avoir connu la première guerre mondiale, les artistes recherchaient des modes d'expression nouveaux ouvrant sur le rêve, la poésie, l'onirisme, les capacités inconnues, les correspondances magnétiques, le hasard objectif. Manifestement, empêtrés dans leur nombril et la dénonciation grave et parfois lourdement pédagogique, les artistes de ce début de siècle manquent à la fois de légèreté, d'Umour à la Jarry et de vision à partager. Croire que seul le grave est sérieux est non seulement mortifère mais une erreur. Comme le dit Pierre Peuchmaurd  à propos de Cioran : "Il ne suffit pas d'être un ronchon insomniaque pour avoir raison. Celui qui s'endort dans les fleurs n'a pas tort non plus".  Aucun rapport avec les ressources humaines ? cherchez bien, nous ne sommes que lundi.

14/10/2009

Le cadre : notion artistique

Paul Duchein est Montalbanais, accessoirement pharmacien et à titre principal peintre et auteur de somptueuses boîtes qui démontrent, s'il en était  besoin, que l'encadrement n'est pas un enfermement mais une ouverture vers le rêve et l'infini. La délimitation de l'espace clos n'est qu'une  manière d'ouvrir les portes de l'imaginaire dans un de ces apparents paradoxes qui charment les surréalistes dont Duchein a toujours été proche. L'art de l'encadrement ou comment l'onirisme peut se déployer sans fin dans un espace contraint.

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Paul Duchein - La chambre d'André Breton - 1991

Les juges sont sans doute admiratifs de l'oeuvre de Paul Duchein et soucieux de réserver à l'artiste la notion de cadre. La Cour de cassation vient en effet, par plusieurs décisions datant de l'été dernier, de poser en principe que des avantages salariaux (jours de RTT, tickets-restaurants, primes...) ne sauraient être réservés aux cadres dès lors que d'autres salariés sont placés dans la même situation au regard de l'avantage en question. En d'autres termes, une différenciation basée seulement sur le statut de cadre est illicite en tant que contraire au principe d'égalité de traitement. Pour justifier la différence, des raisons objectives, basées donc sur la réalité du travail ou des conditions de travail, doivent être identifiées. Par cette jurisprudence, la Cour de cassation met à mal nombre d'accords et de conventions collectives qui réservent certains avantages spécifiquement aux cadres. Pour les juges, l'affaire est claire : laissez les cadres aux artistes, et à Paul Duchein, et basez les différences de rémunération et/ou de statut sur de réelles différences dans le travail. Que salubre est parfois le vent de l'égalité !

29/09/2009

Faire disparaître le travail

Le musée Ingres à Montauban présente jusqu'au 4 octobre 2009 "Ingres et les Modernes". Plus de 200 oeuvres sont réunies qui démontrent l'incroyable influence que Ingres a exercé sur les peintres de toutes époques et de tous styles et l'invraisemblable créativité qu'il a su propager à travers les siècles. Mais au milieu de tous ces génies de la peinture, Picasso, Masson, Matisse, Bacon, Chirico, Picabia et plus près de nous Orlan, Cindy Sherman, Ernest Pignon-Ernest ou encore Araki sans oublier le montalbanais Duchein, ce qui frappe au milieu de la profusion de peintures de tous genres ...ce sont encore les peintures d'Ingres. L'oedipe, le songe d'Ossian, Angélique, la Source...l'oeil revient sans cesse aux tableaux d'Ingres, s'en approche et les caresse comme y invite la douceur satinée de sa peinture et la beauté surgit de l'absence de touche, car Ingres peint sans touche, vous avez bien lu.

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Ingres - La source - 1856
Mais écoutons le :"La touche, si habile qu'elle soit, ne doit pas apparaître : sinon elle empêche l'illusion et immobilise le tout. Au lieu de l'objet représenté elle fait voir le procédé, au lieu de la pensée, elle dénonce la main". Si vous voulez que l'on voit son résultat, cachez le travail.
Cette leçon doit être présente à chacun de nos actes. Quelle que soit la complexité d'un problème, le temps passé à le résoudre, il s'agit de mettre à disposition de ceux qui auront à l'affronter  des solutions simples et efficaces. Le professionnalisme consiste avant tout à valoriser la finalité de l'action et non à agir pour se valoriser. A cette condition, nous serons comme Ingres véritablement, et non faussement, modernes.

21/09/2009

Particulier universel

Le musée Marmottant présentait jusqu'au 20 septembre une exposition consacrée à deux photographes académiciens : Lucien Clergue et Yann Arthus-Bertrand. Si leur entrée à l'Académie les rapproche sans doute dans le besoin de reconnaissance, leurs oeuvres ne peuvent être plus dissemblables. Lucien Clergue est né à Arles, il photographie Arles, la Camargue, sa culture et ses habitants. Il photographie dans un périmètre restreint des thématiques récurrentes : le sable, la mer, les marais, la corrida, le corps féminin, les amis. Des histoires de fidélité. L'étroitesse des thématiques et des lieux n'y fait rien : jamais Clergue ne fait la même photo, jamais il ne se répète et dans ses photos il revient sans cesse à la vie, au mouvement de la vie, aux traces de la vie, à la sublimation de la mort, à l'essence de la matière et de l'être.

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Lucien Clergue - Nu de la plage - 1971

Chez Lucien Clergue, le singulier se déploie vers l'universel, l'instantané vers le permanent, l'anecdotique vers le symbolique, la surface des choses est montrée dans sa profondeur la plus extrême. C'est l'exact contraire que l'on rencontre chez Arthus-Bertrand : il a fait plusieurs fois le tour du monde pour prendre des photos qui sont toujours les mêmes. Mêmes types de cadrages, mêmes effets géométriques, mêmes effets de couleurs, même recherche de la sensation immédiate superficielle et qui ne parle guère. Les photos ne disent rien des lieux, ni de leurs habitants et encore moins de l'humain en général. Le particulier est ramené à un effet de style qui ne raconte ni son histoire ni notre histoire. Les effets de couleurs d'Arthus-Bertrand paraissent désespérément vains face à la puisance du noir et blanc de Clergue.

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Lucien Clergue - Maïs en hiver - 1960

Le débat demeure d'actualité : simplicité, sincérité, fidélité, profondeur et quête personnelle poussée jusqu'au bout qui permet de rejoindre l'universel d'un côté, recherche de l'effet, superficialité, absence de sens et au final colorisation du vide de l'autre. On ne s'étonnera pas que pour prendre ses photos l'un marche sur le sable et dans l'eau, foule l'arène ou éprouve l'amitié, et que l'autre survole le monde et ceux qui y vivent. Nouvelle illustration de l'adage selon lequel lorsque l'on veut dire des choses fortes il ne faut pas chercher à en dire d'extraordinaires.